Pourquoi le futur n'a pas besoin de nous

Ce texte de Bill Joy a changé ma vision du futur.
Je l’ai lu il y a quelques années de cela et c’est sans doute le texte dont je recommande le plus régulièrement la lecture.

Voici la version en anglais :
http://www.wired.com/wired/archive/8.04/joy_pr.html



et la version en français (excellente puisque complétée par de nombreux liens, biographie et même une traduction par ordinateur très drôle de la biographie de Bill Joy dit “Joie de facture”) :
http://1libertaire.free.fr/POURQUOILE%20FUTURNAPASBESOINDENOUS.html

Bill Joy, génie de la silicon valley et précurseur d’internet, fait une analyse sensée et posée du futur.
C’est un scientifique qui parle et ce n’est ni de la science fiction, ni de la voyance ….
C’est du bon sens.
Que nous dit-il ?
Tout d’abord que les 3 technologies : robotique, génétique et nanotechnologies vont irrémédiablement changer notre monde.
C’est Ray kurzweil qui éveille en premier son attention*.
Il comprend que le lieu commun selon lequel les hommes garderont le contrôle sur les machines qui ne sont que des “outils” sera complètement dépassé assez rapidement (vu l’accélération de l’évolution technologique), et ce pour 2 raisons :
1) on utilisera de + en + de machines car on obtiendra de bien meilleurs résultats grâce à elles (vitesse de calcul, etc ….). A noter : l’ordinateur atteindra la capacité de calcul de l’homme avant 2030.
2) le passage du pouvoir de l’homme à la machine se fera tellement progressivement que l’on ne s’en rendra même pas compte.

(L’autre jour je voyais une publicité à la télévision pour un appareil photo où on appuie sur le bouton et c’est la machine qui fait 30 photos au lieu d’une. Voilà le premier pas. Ce n’est plus nous qui faisons la photo. on la choisit certes, mais on ne la fait plus. C’est le premier pas).

Evidemment personne n’est pour “remettre” aux machines tout le pouvoir en tout cas pas vous, ni moi.
Pourtant, vous qui me lisez, et moi, comme tout le monde, nous réglons 95% de vos achats par carte bleue.
Si demain tout le réseau Visa a un bug informatique : qu’est-ce que vous faites ?
Vous paniquez. Vous allez à votre banque. Et là vous ne pouvez pas retirer parce que la masse financière mondiale est bien supérieure à la masse monétaire en espèces.
Vous ne le saviez pas mais vous dépendez déjà des machines.

Mais non seulement nous allons déleguer aux machines nos tâches jusqu’à des systèmes entiers de gestion (et tant mieux : la machine est plus sage que l’homme ! si les machines “géraient le monde” on n’aurait plus le droit de conduire une voiture ou de prendre un avion depuis longtemps !), mais nous allons aussi fusionner avec la technologie.

Demain vous faites une fécondation in vitro et vous pouvez choisir selon son code génétique l’ovule. Entre celui qui offre 10% de probabilité de cancer et celui qui en a 90%, le choix est vite fait.
Je me souviens d’un documentaire sur Arte sur le cas d’une jeune femme qui a un accident de voiture et perd la vue.
Donc avant son accident elle voyait parfaitement. On lui a implanté une machine dans le cerveau. En fixant une caméra à cette machine elle a pu retrouver la vue (basiquement la caméra+ la machine reprennent le rôle de l’oeil et du nerf optique). Elle est ce que l’on appelle un cyborg : une fusion entre l’homme et la machine. Ce n’est PAS le futur. Ca existe déjà …. et c’est fantastique.
Si on peut vous remplacer une partie du corps que vous avez perdue : PERSONNE ne va le refuser.
Après, si on peut vous augmenter votre mémoire vous n’allez PAS le refuser non plus …..

Tout cela ce sont des exemples de “simple” extension de nos capacités connues actuelles.
Imaginez que l’on rajoute de nouvelles capacités à l’être humain. Par exemple que l’on change notre manière de penser (qui est séquentielle) en un processus “en parallèle” (parallel thinking) un peu comme si on passait d’une mélodie monophonique (une note à la fois) à des accords polyphoniques ? ….
Mais là je m’éloigne du texte de Bill Joy …

Le problème c’est la limite. Jusqu’où on est prêt à “améliorer” l’homme et son environnement.

A l’extrême on se dirige vers un transfert de la “conscience” humaine vers un robot (vous me direz que le corps se renouvelle entièrement plusieurs fois dans une vie) et accéder à la vie absolument éternelle car immatérielle.
Les recherches De Ray Kurzweil et autres Aubrey de Grey** sur la multiplication par 10 de notre espérance de vie semble de la rigolade à côté de ce qui nous attend ….

Dans la deuxième partie de son texte, Bill Joy trace surtout un parallèle entre l’ère du nucléaire***, ce qui s’est passé au moment de la bombe atomique, et ce qui s’en est suivi et l’ère de la génétique et des nanotechnologies.
Il remarque que contrairement au nucléaire (ou au biochimique), ces nouvelles technologies :
1) sont développées par des entreprises commerciales et non pas des organisations militaires controlées par l’Etat
2) elles ne nécessitent pas de ressources difficiles à obtenir (comme l’uranium) : c’est essentiellement de l’information pure.
3) et, last but not least, elles
ont la capacité de s’auto-reproduire.

Il faut donc, à l’image du bouddhisme, intégrer pleinement les notions de responsabilité “universelle” et d’interdépendance dans les choix que nous faisons, sans se limiter à une simple maximisation d’utilité personnelle.

En conclusion on sent l’effort (oserais-je dire “artificiel” ?) de Bill Joy à la fin de l’article pour rester malgré tout optimiste. Il y a d’un seul coup une absence patente d’argumentation. Mais en tant qu’être humain, on ne peut pas faire autrement. Une machine aurait conclut l’article par une probabilité de 100% d’extinction de la race humaine.
Pas nous. c’est ce qui nous distingue (encore).


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* : je parle de Ray Kurzweil, son dernier livre et surtout son site ici :
http://delphinequeme.blogspot.com/2008/08/humanit-20.html

** Aubrey de Grey (recherche sur une espérance de vie se rapprochant de 800 ans pour l’homme) :
http://www.sens.org/

*** voir l’excellent site de l’association des chercheurs en physique atomique qui, en référence à une autodestruction de la terre à minuit, nous situe à minuit moins 5 (contre minuit moins 7 en 1947, avec des oscillations depuis !) du fait du nucléaire, des changements climatiques et la bio-sécurité :
http://www.thebulletin.org/content/doomsday-clock/overview
http://www.thebulletin.org/content/doomsday-clock/timeline